Le Capitole au grand complet pour des Pécheurs de Perles magnifiques!!! (26/10/2023)
8 octobre 2023 Laisser un commentaire
Première fois que j’assiste à la soirée d’ouverture de saison du Théâtre National du Capitole. Mais les Pécheurs de Perles de Bizet était un argument de choc!!! J’avais également envie d’assister une nouvelle fois à une représentation qui permet à l’ensemble des forces du Capitole de s’exprimer sur scène. En effet, il est quand même assez rare d’avoir sur la même scène: les chœurs, l’orchestre et le ballet du Capitole en même temps, comme j’avais beaucoup aimé l’alchimie de ce mélange les deux dernières fois (pour Rusalka (mais ce n’était pas le ballet du Capitole) et pour Platée). Je ne pouvais qu’être enthousiaste pour cette nouvelle production. Les pécheurs de perles restent pour moi un des opéras de la 2ème moitié du XIXème siècle (création en 1863) que je préfère pour deux raisons principales:
- la partition magnifique avec ces airs et ces duos inoubliables avec cette tension entre les personnage qui monte durant les 2 1ers actes pour exploser lors du duo Leïla / Zurga au début du 3ème acte.
- c’est l’un des rôles signature d’Annick Massis, qui reste de mon point de vue l’une des meilleure titulaire de ce rôle que ce soit au niveau vocal comme dramatique: des vocalises de l’acte I au contre-ré qu’elle lance à pleine voix à Zurga à la fin de leur duo… difficile de passer à coté de ses enregistrements lives lorsque l’on aime cette œuvre.
C’est donc une œuvre que je connais plutôt bien que je suis allé voir et écouter! Je pense que pour cette mise en scène, la vue est aussi importante que le son, en effet, les décors imaginés par Antoine Fontaine pour la mise en scène de Thomas Lebrun sont très beaux: des structures en bambou qui évoluent au cours des actes permettent de découper l’espace et de créer une galerie en hauteur permettant d’imaginer les falaises et le rocher sur lequel se repose Leïla lorsqu’elle ne chante pas. Les planches peintes en trompe l’œil représentant des palmiers ou la tente de Zurga au 3ème acte permettent d’encadrer l’espace scénique et de lui donner de la profondeur. Les costumes de David Belugu sont superbes que ce soit les saris colorés du chœur, les costumes des danseurs comme ceux des solistes. La direction de Victorien Vanoosten est dramatique à souhait, elle permet également aux pupitres de briller lorsqu’ils le peuvent. Le travail sur la partition est particulièrement minutieux et l’équilibre entre fosse et scène bien mené. Autre difficulté pour lui, les partie dansées par le ballet du Capitole représente un exercice encore différent, mais sa connaissance de la partition lui a permis de relever ce défi haut la main!!!
La mise en scène est parfaitement lisible (il faut dire aussi que l’action et l’intrigue n’est pas non plus des plus complexes…) et j’ai beaucoup aimé les incursions du ballet qui pouvait reprendre certains gestes / poses typiques des danses indiennes que ce soit dans les positionnement des mains ou des pieds, mais également un coté plus contemporain. Belle idée également d’insérer une danseuse sur pointe voilée pour exprimer la vision rêvée de Leila que ce soit durant le duo Nadir / Zurga comme dans la grande scène de Zurga. Tout concourt à transporter le spectateur dans un autre monde! L’ensemble danse, costume, mise en scène et lumière est vraiment très beau!
A l’Opéra ce qui compte également ce sont les voix et j’avoue que la distribution proposée par le Capitole pour cette ouverture de saison est particulièrement alléchante sur le papier avec de grand noms de l’art lyrique français pour servir une œuvre dans la langue de Molière également. Le moins connu des 4 est très probablement Jean-Fernand Setti qui a été un Nourabad à l’autorité impressionnante. Sa puissance physique comme vocale est phénoménale. Il marque les esprits dès son entrée dans ce costume rose aux épaulettes qui le rend encore plus impressionnant. On ne peut que remarquer aussi son visage maquillé en vert rappelant les couleurs des idoles indiennes.
Le rôle de Nadir est particulièrement compliqué à distribuer car il faut à la fois un interprète capable de chanter piano et avec émotion le célèbre « Je crois entendre encore », mais également de chanter dans les ensembles sans que sa voix soit recouverte. Mathias Vidal qui fut une Platée exceptionnelle en 2022 (https://carayonk.wordpress.com/2022/03/24/platee-hilarante-mais-touchante-au-capitole-23-03-2022/) endosse ce rôle avec ces moyens qui sont fabuleux dans le baroque… Autant la romance de Nadir qu’il a su rendre en piani du début à la fin avec une très belle voix de tête et le duo de l’acte I avec Zurga furent de mon point de vue de vrais réussites! Le duo avec Leïla est également très bon, mais la suite qui demande plus de puissance m’a laissé un peu sur ma faim. Un autre petit truc que j’ai trouvé un peu étrange par rapport à son interprétation de Nadir, c’est sa joie initiale d’être là, un peu bondissant (volonté du metteur en scène?) alors que le texte ne rend pas vraiment compte de cet état d’esprit. Les pécheurs de perles n’ont pas vraiment de passage très comique… J’ai donc bien aimé dans l’ensemble ce qu’il a fait du rôle de Nadir avec même si j’ai eu quelques petites réserves, cela reste très beau.
Je continuerai par le rôle de Leïla interprété par Anne-Catherine Gillet. On se trouve ici à nouveau dans une très très belle interprétation. La voix est chaude, puissante et suffisamment agile pour se jouer à la fois des difficiles vocalises de l’acte I et rendre le duo de l’acte III avec Zurga passionnant avec une monté en puissance nécessaire dans cet Opéra. Son entrée en scène telle Vénus sortant des flots de la mer est particulièrement saisissante est présente une vrai réussite, de même a chorégraphie avec les danseuses du ballet du Capitole en ce début de représentation impressionne visuellement, on se sent bien dans l’Inde imaginaire. Dès l’acte I, on sent l’inquiétude de Leïla dès qu’elle entend Nadir lors de son arrivée, le vibrato marqué lors de ces 1ère interventions peut sembler un peu trop large, mais lorsqu’il est justifié scéniquement, pourquoi pas, surtout que par la suite, il devient bien plus discret. Son air « Me voilà seule » est superbe, avec les nuances qu’il faut pour faire vivre ce souvenir si important pour la suite…
Enfin, je finirai par le rôle qui m’a le plus marqué ce soir, le Zurga d’Alexandre Duhamel qui fut grandiose d’un bout à l’autre de la soirée avec un abattage et une puissance magnifique. Dès qu’il ouvrait la bouche, c’était un torrent de passion qui se déversait sur la scène du Capitole l’acte III fut son grand moment de la soirée avec un air sublime ou il est tiraillé par son remord et sa jalousie. Mais il fut encore plus poignant lors de sa mort (avec la danseuse sur pointe qui l’accompagne dans ce moment) où chaque phrase parfaitement ciselé faisait mouche!!! Chose quand même assez rare, il m’a mis la chair de poule jusqu’à la fin! C’était la première fois que je l’entendais sur scène, il me tarde qu’il soit réinvité sur la scène Capitoline ! Il a comme les autres reçu un véritable triomphe lors des saluts!
Une très belle soirée qui augure encore une fois d’une très belle saison lyrique au théâtre du Capitole… Saison qui va continuer pour moi avec le Ballet La Sylphide et juste avant dans le cadre du Festival Toulouse Les Orgues, je vais aller entendre Anne-Catherine Gillet dans la Voix Humaine de Poulenc dans quelques jours.
Les magnifiques photos de ces représentations sont toutes de Mirco Magliocca