Le Capitole au grand complet pour des Pécheurs de Perles magnifiques!!! (26/10/2023)

Première fois que j’assiste à la soirée d’ouverture de saison du Théâtre National du Capitole. Mais les Pécheurs de Perles de Bizet était un argument de choc!!! J’avais également envie d’assister une nouvelle fois à une représentation qui permet à l’ensemble des forces du Capitole de s’exprimer sur scène. En effet, il est quand même assez rare d’avoir sur la même scène: les chœurs, l’orchestre et le ballet du Capitole en même temps, comme j’avais beaucoup aimé l’alchimie de ce mélange les deux dernières fois (pour Rusalka (mais ce n’était pas le ballet du Capitole) et pour Platée). Je ne pouvais qu’être enthousiaste pour cette nouvelle production. Les pécheurs de perles restent pour moi un des opéras de la 2ème moitié du XIXème siècle (création en 1863) que je préfère pour deux raisons principales:

  • la partition magnifique avec ces airs et ces duos inoubliables avec cette tension entre les personnage qui monte durant les 2 1ers actes pour exploser lors du duo Leïla / Zurga au début du 3ème acte.
  • c’est l’un des rôles signature d’Annick Massis, qui reste de mon point de vue l’une des meilleure titulaire de ce rôle que ce soit au niveau vocal comme dramatique: des vocalises de l’acte I au contre-ré qu’elle lance à pleine voix à Zurga à la fin de leur duo… difficile de passer à coté de ses enregistrements lives lorsque l’on aime cette œuvre.

C’est donc une œuvre que je connais plutôt bien que je suis allé voir et écouter! Je pense que pour cette mise en scène, la vue est aussi importante que le son, en effet, les décors imaginés par Antoine Fontaine pour la mise en scène de Thomas Lebrun sont très beaux: des structures en bambou qui évoluent au cours des actes permettent de découper l’espace et de créer une galerie en hauteur permettant d’imaginer les falaises et le rocher sur lequel se repose Leïla lorsqu’elle ne chante pas. Les planches peintes en trompe l’œil représentant des palmiers ou la tente de Zurga au 3ème acte permettent d’encadrer l’espace scénique et de lui donner de la profondeur. Les costumes de David Belugu sont superbes que ce soit les saris colorés du chœur, les costumes des danseurs comme ceux des solistes. La direction de Victorien Vanoosten est dramatique à souhait, elle permet également aux pupitres de briller lorsqu’ils le peuvent. Le travail sur la partition est particulièrement minutieux et l’équilibre entre fosse et scène bien mené. Autre difficulté pour lui, les partie dansées par le ballet du Capitole représente un exercice encore différent, mais sa connaissance de la partition lui a permis de relever ce défi haut la main!!!

La mise en scène est parfaitement lisible (il faut dire aussi que l’action et l’intrigue n’est pas non plus des plus complexes…) et j’ai beaucoup aimé les incursions du ballet qui pouvait reprendre certains gestes / poses typiques des danses indiennes que ce soit dans les positionnement des mains ou des pieds, mais également un coté plus contemporain. Belle idée également d’insérer une danseuse sur pointe voilée pour exprimer la vision rêvée de Leila que ce soit durant le duo Nadir / Zurga comme dans la grande scène de Zurga. Tout concourt à transporter le spectateur dans un autre monde! L’ensemble danse, costume, mise en scène et lumière est vraiment très beau!

A l’Opéra ce qui compte également ce sont les voix et j’avoue que la distribution proposée par le Capitole pour cette ouverture de saison est particulièrement alléchante sur le papier avec de grand noms de l’art lyrique français pour servir une œuvre dans la langue de Molière également. Le moins connu des 4 est très probablement Jean-Fernand Setti qui a été un Nourabad à l’autorité impressionnante. Sa puissance physique comme vocale est phénoménale. Il marque les esprits dès son entrée dans ce costume rose aux épaulettes qui le rend encore plus impressionnant. On ne peut que remarquer aussi son visage maquillé en vert rappelant les couleurs des idoles indiennes.

Le rôle de Nadir est particulièrement compliqué à distribuer car il faut à la fois un interprète capable de chanter piano et avec émotion le célèbre « Je crois entendre encore », mais également de chanter dans les ensembles sans que sa voix soit recouverte. Mathias Vidal qui fut une Platée exceptionnelle en 2022 (https://carayonk.wordpress.com/2022/03/24/platee-hilarante-mais-touchante-au-capitole-23-03-2022/) endosse ce rôle avec ces moyens qui sont fabuleux dans le baroque… Autant la romance de Nadir qu’il a su rendre en piani du début à la fin avec une très belle voix de tête et le duo de l’acte I avec Zurga furent de mon point de vue de vrais réussites! Le duo avec Leïla est également très bon, mais la suite qui demande plus de puissance m’a laissé un peu sur ma faim. Un autre petit truc que j’ai trouvé un peu étrange par rapport à son interprétation de Nadir, c’est sa joie initiale d’être là, un peu bondissant (volonté du metteur en scène?) alors que le texte ne rend pas vraiment compte de cet état d’esprit. Les pécheurs de perles n’ont pas vraiment de passage très comique… J’ai donc bien aimé dans l’ensemble ce qu’il a fait du rôle de Nadir avec même si j’ai eu quelques petites réserves, cela reste très beau.

Je continuerai par le rôle de Leïla interprété par Anne-Catherine Gillet. On se trouve ici à nouveau dans une très très belle interprétation. La voix est chaude, puissante et suffisamment agile pour se jouer à la fois des difficiles vocalises de l’acte I et rendre le duo de l’acte III avec Zurga passionnant avec une monté en puissance nécessaire dans cet Opéra. Son entrée en scène telle Vénus sortant des flots de la mer est particulièrement saisissante est présente une vrai réussite, de même a chorégraphie avec les danseuses du ballet du Capitole en ce début de représentation impressionne visuellement, on se sent bien dans l’Inde imaginaire. Dès l’acte I, on sent l’inquiétude de Leïla dès qu’elle entend Nadir lors de son arrivée, le vibrato marqué lors de ces 1ère interventions peut sembler un peu trop large, mais lorsqu’il est justifié scéniquement, pourquoi pas, surtout que par la suite, il devient bien plus discret. Son air « Me voilà seule » est superbe, avec les nuances qu’il faut pour faire vivre ce souvenir si important pour la suite…

Enfin, je finirai par le rôle qui m’a le plus marqué ce soir, le Zurga d’Alexandre Duhamel qui fut grandiose d’un bout à l’autre de la soirée avec un abattage et une puissance magnifique. Dès qu’il ouvrait la bouche, c’était un torrent de passion qui se déversait sur la scène du Capitole l’acte III fut son grand moment de la soirée avec un air sublime ou il est tiraillé par son remord et sa jalousie. Mais il fut encore plus poignant lors de sa mort (avec la danseuse sur pointe qui l’accompagne dans ce moment) où chaque phrase parfaitement ciselé faisait mouche!!! Chose quand même assez rare, il m’a mis la chair de poule jusqu’à la fin! C’était la première fois que je l’entendais sur scène, il me tarde qu’il soit réinvité sur la scène Capitoline ! Il a comme les autres reçu un véritable triomphe lors des saluts!

Une très belle soirée qui augure encore une fois d’une très belle saison lyrique au théâtre du Capitole… Saison qui va continuer pour moi avec le Ballet La Sylphide et juste avant dans le cadre du Festival Toulouse Les Orgues, je vais aller entendre Anne-Catherine Gillet dans la Voix Humaine de Poulenc dans quelques jours.

Les magnifiques photos de ces représentations sont toutes de Mirco Magliocca

Concert magnifique des deux étoiles Montalbanaise et Toulousaine que sont Anaïs Constans et Kévin Amiel (St Pierre des Cuisines le 10/07/2023)

C’est devant un public attentif et réchauffé par l’air extérieur que le ténor Kévin Amiel et la soprano Anaïs Constans ont signé un magnifique concert qui nous a fait voyager de l’Italie à l’Espagne en passant bien sûr par la France. Ils étaient accompagné par le pianiste Jean-Marc Bouget qui nous a joué quelques morceaux superbes de virtuosité et d’émotions au passage des frontières franco-italienne et franco-espagnole. Pas de programme officiel, du coup, je n’ai pas tout reconnu ni retenu, notamment au niveau des mélodies (et au niveau des morceaux du piano) qui ouvraient le spectacle et au niveau des morceaux issus de Zarzuelas espagnoles. Nous avons eu dans l’ordre:

  • « L’ultima canzone » de Tosti (Kévin Amiel)
  • Une mélodie de Bellini (Anaïs Constans)
  • 2 arias et un duo de la Bohème de Puccini: « Che gelida manina », « Si mi Chiamano Mimi » et le duo « O soave fanciulla »
  • 2 airs de Roméo et Juliette de Gounod: « Ah lève toi, Soleil! » et la valse de Juliette « Je veux vivre »
  • Le duo des pécheurs de perles de Bizet (petit clin d’œil à l’ouverture de la prochaine saison du Capitole) « Leila! Dieu Puissant! »
  • 2 airs et un duo issus de zarzuelas et opérettes se déroulant en Espagne dont « Les Filles de Cadix »

Le public n’en ayant pas eu assez, nous avons eu droit à 3 bis, un pour chacun et un « duo » pour lesquels nous sommes parti à Mexico pour revenir sur les rives de la Garonne avec un magnifique « O Toulouse » de Nougaro et repris par des Toulousains, cela a toujours plus de « gueule » et de cœur!!!

Les 2 voix sonnent magnifiquement dans l’auditorium de Saint-Pierre des cuisines. Les couleurs sont différentes et la projection l’est également. C’est toujours intéressant de comparer les voix et ce soir j’ai vraiment eu l’impression que les projections vocales étaient différentes, K. Amiel possède un cône de projection vocale assez concentré alors que celui d’Anaïs Constans semble bien plus large. Les couleurs vocales sont également différentes mais le grand point commun c’est leur capacité à rentrer dans leurs personnages et ce soir, ils nous ont régalé que ce soit pour la Bohème ou pour Roméo et Juliette où l’amour naissant à su trouver son interprétation la plus juste et la plus sincère. Les deux voix sont magnifiques sur toute la tessiture donnée ce soir avec une belle homogénéité dans les registres. La voix de K. Amiel présente une puissance un peu amoindrie dans les graves. Est-ce parce qu’il avait opté pour une interprétation plus en mezza-voce du fait de l’accompagnement au piano? Seul lui pourrait répondre… De manière générale, sa partenaire m’a semblé plus sonore de part aussi une projection bien plus large. Finalement je m’étais fait cette même remarque au sujet d’Anaïs Constans que lors du concert vu il y a 2 ans avec Benjamin Bernheim.

La voix d’Anaïs Constans possède une rondeur toujours aussi magnifique et elle mène sa voix avec beaucoup de maitrise. Les vocalises et trilles de la Valse de Juliette comme les aiguës sont splendides! Elle arrive à alléger ses superbes moyens pour un magnifique « Si mi chiamano Mimi ». Dans le duo des pécheurs de perles, la voix se fait bien plus dramatique et montre la magnifique Leïla qu’elle est. J’aurai d’ailleurs bien aimé que ce soit elle en septembre qui endosse ce rôle que j’adore! Son tempérament allant magnifiquement avec les différentes évolutions du personnage, quel duo avec Zurga magnifique cela serait!!!

K. Amiel sur les Filles de Cadix comme sur Mexico nous a montré la très belle maitrise qu’il a de la voix de tête tout en alliant un humour et un abattage sur scène splendide. Je crois que je l’ai quand même encore plus apprécié vocalement dans l’air de Roméo et celui de la Bohème où il a pu nous montrer la superbe quinte aiguë qu’il maitrise ainsi que ses capacités de colorations avec beaucoup d’émotion dans toutes ses interventions. Une voix solaire comme je les aime! J’espère qu’il va revenir bientôt sur la scène du Capitole.

Le bis de K. Amiel: Mexico désopilant avec le public et l’aiguë final!
Le magnifique bis final: O Toulouse de Nougaro

Enfin pour réussir un concert avec 2 chanteurs, il faut qu’ils s’entendent bien et là… Il n’y a pas photo, on sent l’alchimie et la complicité entre les deux, les regards et les petites taquineries lors des bis et des saluts, un bonheur de chanter ensemble communicatif qui leur à valu à tous les 3 car le pianiste n’était pas en reste une très belle standing ovation!!!

Un Mefistofele diablement passionnant et passionné sur la scène du Capitole (Toulouse le 27/06/2023)

C’est un peu au dernier moment que j’ai eu l’opportunité d’aller voir le dernier Opéra de la saison du Théâtre National du Capitole. Après un Viol de Lucrèce sublime au niveau de la mise en scène et dramaturgie mais dont le traitement musical n’était clairement pas à mon goût (après plusieurs essais, il faut se rendre à l’évidence, le style musical de Britten et ses contemporains ne sont pas fait pour mes oreilles et mon cerveau), j’étais très frileux. J’avais déjà entendu l’œuvre de Boïto en audio dans plusieurs versions (ma préférée si l’on peut dire étant celle de Siepi, Del Monaco et Tebaldi sous la baguette de Serafin), mais jusqu’à présent, je n’avais pas vraiment accroché. Un peu comme pour Wagner que je n’arrive à apprécier vraiment qu’au théâtre… Après cette représentation formidable, j’en arrive à la conclusion que ce sont des œuvres auxquelles je dois assister en direct pour arriver à être emporté ailleurs par la musique et le chant.

De ma place à visibilité réduite, je n’ai pas pu profiter des très belles projections sur le fond de scène en arc de cercle (même organisation que l’on retrouvait également dans la mise en scène finale de Carmen du même J.L. Grinda). Mais je voyais bien la scène, ce qui était déjà pas beaucoup pour une représentation qui s’est joué à guichet fermé. De cette mise en scène, je retiendrai volontiers le très beau traitement des mouvements de foule orchestrés au cordeau avec un chœur et une maitrise du Capitole sous la direction de G. Bourgoin. Les deux ensembles étant toujours aussi impliqués et précis qu’à l’accoutumée et dans une œuvre de cette puissance, ils représente un personnage aussi important que les solistes. Comme pour beaucoup de spectateurs je pense, le tableau de la mort de Marguerite est celui qui provoque le plus d’émotion de part son dépouillement mais également par le jeu de Marguerite. Cette mise en scène représente l’avantage pour le spectateur d’être d’une lisibilité sans faille et parfaitement en adéquation avec le livret et les didascalies.

La direction musicale de Francesco Angelico est superbe, lyrique avec de magnifiques moments notamment dans la gestion entre la fosse et les ensembles avec le chœur, le prologue dans le ciel est rendu avec toute la majesté nécessaire pour nous plonger directement dans le drame. Mais il sait également rendre l’orchestre très intime et magnifiquement touchant comme lors de la mort de Marguerite. Tous les pupitres connaissent leur moment de gloire, à noter quand même les 2 excellentes harpes exigées par la partition, mais les cordes (Ah, ces solo de violoncelle!!!) comme les vents ont été superbes d’un bout à l’autre de l’ouvrage!!!

Les différents solistes sont tous parfaitement à leur place, les voix puissantes comme il le faut et n’étant jamais couverte par l’orchestre. C’est toujours un plaisir d’entendre Marie-Ange Todorovitch totalement désopilante dans le rôle de Marta et pleine d’emphase dans celui de Pantalis la suivante d’Hélène (ici casquée à la manière d’un guerrier grec antique). Sa voix s’est parfaitement mariée à la voix chaude de Béatrice Uria-Monzon qui a donné ce soir à Hélène ses accents de noblesse rendant compte aussi avec tout le dramatisme qu’on lui connait sa douleur dans ses visions de la guerre de Troie.

Le rôle féminin le plus marquant de la soirée était bien sûr le rôle de Marguerite avec notamment la scène du Jardin mais surtout cette magnifique scène où elle meurt en perdant la raison. La voix puissante de Chiara Isotton fait merveille et nous prend aux tripes. Son « L’altra notte in fondo al mare » est vraiment empreint d’une émotion particulièrement intense et représente pour beaucoup le climax de cette soirée. Son rejet de Faust n’en est que plus violent!!! Cette voix surpuissante dans ce théâtre est parfaitement maitrisée et quand elle fait dans les demi-teintes et le mezza-voce, elle est vraiment magnifique avec des couleurs fauves superbes et des aiguës tranchants. Son jeu est également très convaincant, jusqu’au mouvement brusque des mains rendant compte physiquement de la folie dans laquelle sombre le personnage depuis son emprisonnement. Elle recueille lors des saluts un triomphe amplement mérité!!!

Le Faust de Jean-François Borras appelle les mêmes éloges que sa partenaire féminine, sa partition étant plus fournie, la voix est bien entendu plus exposée. Toute aussi puissant que sa partenaire, les ensembles ne lui font pas peur et il reste audible en toute circonstance. Il maitrise lui aussi sa palette vocale en fonction de l’âge du personnage. Lors du 1er acte, ces 1ères phrases sont empreintes d’un léger vibrato vieillissant sa voix, vibrato absent dès qu’il est rajeuni par Faust. Lui aussi récolte un très beau triomphe lors des saluts.

Enfin le rôle de Mefistofele était tenu par la basse Nicolas Courjal déjà appréciée à Orange il y a quelques temps (https://carayonk.wordpress.com/2019/07/14/guillaume-tell-a-orange-en-plein-dans-le-mille/)… Il brule les planches avec une interprétation qui reprend toutes les facettes d’un art interprétatif superlatif: la vanité de pouvoir parier avec Dieu, sûr de lui, il interprète son « son lo spirito che nega » avec puissance, ironie et humour, des nuances pas si souvent présentes dans ce rôle qui peut être cantonné à un monolithe de haine et de terreur… Tout au long de l’opéra il distille son venin afin de pousser Faust dans ses filets. Il est intéressant de voir que dès l’acte IV, il sent qu’il perd de son pouvoir et de son emprise sur Faust et malgré ses efforts, Faust sera finalement sauvé et son pari perdu. La voix est également superbe et sonore. Les nuances intéressantes et l’interprétation diabolique mais pas que… C’est ce qu’il fait de son Mefisto qui je pense m’a le plus passionné dans cette mise en scène!

Un spectacle qui clôture en grande pompe une saison magnifique, en attendant les pécheurs de perles de la rentrée prochaine… Il me reste le concert du 10 juillet donné par Anaïs Constans et Kévin Amiel.

Crédit photo : Mirco Magliocca

Une Bohème à fleur de peau au Capitole (Toulouse, 29/11/2022)

S’il est un Opéras qui est accessible à tous, afficionados comme néophytes, c’est bien celui là!!! En effet, Puccini a signé là une œuvre qui parle au public quel qu’il soit: qui n’a pas été confronté à l’amitié, l’amour, la maladie et la mort une fois dans sa vie… Les personnages sont tellement bien écrits qu’il est toujours possible de s’identifier à l’un ou à l’autre des personnages, c’est ce qui permet au public de se connecter à l’œuvre et ainsi ressentir et vivre un maximum d’émotions… Et avec ce spectacle et cette distribution… difficile de ne pas se sentir connecté aux personnages du drame!!!

La mise en scène de Barbe et Doucet est géniale pour plusieurs raisons:

  • Leur fidélité aux didascalies et au contenu des dialogues est parfaite, ce qui permet de suivre l’action avec une lisibilité des plus agréable. Pas besoin de se retourner le cerveau pour comprendre ce qu’il se passe sur scène et c’est très appréciable surtout pour un Opéras comme celui-là.
  • Les costumes, d’une très grande variété, tous différents, sont tous dans le thème choisi avec évidemment en point d’orgue le magnifique costume de Musetta toute de blanc vêtue lors de son entrée presque royale!!!
  • Les décors place l’action au début du XXème siècle dans le Paris de Mistinguett (à la place du Paris des années 1840) ce qui permet de faire plein de références plus accessibles aux spectateurs comme Picasso et Cocteau (que l’on retrouve notamment dans des dessins jetés par terre) ou Mistinguett et son guépard dont s’inspire très fortement le personnage de Musetta. J’ai trouvé les décors très proches du tableau d’Alcide « Marché aux puces » peint à Paris en 1920.
  • La mise en abime initiale permet au spectateur de prendre conscience que la maladie de Mimi est déjà présente et à un stade avancé (petite disgression, elle est manifestement atteinte d’un cancer en phase terminale plutôt que tuberculeuse, cette référence parle bien plus au public d’aujourd’hui), ce qui met en lumière sa fragilité dès le 1er tableau. En plus, elle nous permet de profiter de la voix de Musetta un peu plus longtemps et dans un autre registre (« ça c’est Paris ») ainsi que de l’accompagnement à l’accordéon de Michel Glasko.
  • Le 2ème tableau particulièrement complexe à mettre en scène avec tous ces mouvements de foule est réglé au cordeau rendant tous les mouvements fluides et naturels. Il y a eu énorme travail avec le chœur pour que chaque personne ait sa propre personnalité et donc un rôle différent rendant parfaitement compte de la frénésie parisienne.
  • Le travail sur les lumières permet de mettre en avant une partie de la scène ou une autre, permettant de passer en quelques minutes d’une ambiance très intime de la chambre de bonne de Rodolpho, à la foule parisienne bigarrée, puis de la porte d’enfer glaciale pour finir à nouveau dans l’intimité de la chambre.

Autant je n’étais pas trop fan de la mise en scène donnée en 2010 (avec entre autre ses tentes Quechua sur scène), autant j’ai complètement adhéré et apprécié à cette vision de l’œuvre.

La direction de Lorenzo Passerini est dynamique mais également très fouillée. On peut regretter ça et là quelques brefs passages durant lesquels les chanteurs sont un peu trop couverts (à mon goût) notamment lors du 1er tableau. Mais l’orchestre répond parfaitement aux envolées lyriques demandées par la partition et l’émotion est à son comble dès le tableau de la Barrière d’Enfer. Tous les pupitres sont excellents, comme à l’accoutumée. Le 2ème tableau particulièrement complexe est musicalement d’une grande vitalité. Le chef a su malgré tout rendre intime dans cette foule musicale les quelques interventions entre Rodolpho et Mimi. De ce point de vue, difficile de ne pas être emporté par les trémolo des cordes!!!

Enfin, impossible de ne pas parler des chanteurs qui sont bien sûr également essentiel dans une telle réussite!!! Le chœur est magnifique, là encore, c’est une habitude et les solistes qui ont endossé les petits rôles ont tous été très bien, j’ai particulièrement aimé le Parpignol d’Alfredo Poesina. Le Benoit / Alcindoro de Matteo Peirone est truculent à souhait et il change complètement de couleurs vocales entre les deux tableaux, une bien belle performance. Bien belle également la prestation d’Edwin Fardini en Schaunard, avec une très belle interprétation scénique de son personnage. J’ai eu le plaisir de voir la distribution n°1 que j’avais volontairement selectionnée pour avoir le plaisir de réentendre plusieurs interprètes découverts les années précédentes. Le Colline de Julien Véronèse est magnifique de noblesse dès le 1er tableau et termine avec un très beau « Vecchia zimarra ». Mikhail Timoshenko faisait également parti de ceux que je voulais entendre et en Marcello, il trouve là un personnage à sa mesure théâtrale comme vocale, certes il n’a pas d’air à lui, mais quels duos magnifiques il a!!! Quelle belle expressivité également!!! Son duo avec Mimi à la Barrière d’Enfer est de ce point de vu phénoménal! Son jeu avec Musetta est également au delà de toute éloge, tout semble couler de source dans son interprétation et son jeu. A ce Baryton répond la toute aussi splendide Musetta de Marie Perbost que j’avais adoré en Folie dans Platée (https://carayonk.wordpress.com/2022/03/24/platee-hilarante-mais-touchante-au-capitole-23-03-2022/). Elle aussi, elle a comblé tout mes désirs en terme de vocalité comme en terme d’interprétation. Avec elle aussi tout semble naturel, son grand air « Quando m’en vo » en met plein la vue à Marcello mais également à tout le public. Mais sa petite prière lors du dernier tableau montre aussi qu’elle est capable de transmettre de grandes émotions dans sa voix et son jeu, elle fait parti des soprano que j’ai vraiment envie de suivre dans les année qui viennent!

Je vais terminer par le duo Rodolpho / Musetta… Tout d’abord le Rodolpho de Liparit Avetisyan (totalement inconnu pour moi, puisque je pensais voir le toulousain Kévin Amiel qui figurait sur la brochure annonçant la saison), même si j’aurai aimé une voix plus solaire au niveau du timbre notamment pour son 1er air « Che gelida manina », son interprétation de Rodolphe reste très belle et empreinte d’une magnifique émotion. La voix fut par moment un peu trop couverte par l’orchestre, mais cela n’enlève rien à sa très belle interprétation vocale comme scénique qui gagne en puissance au cours des 4 tableaux, trouvant lors du dernier des accents suffisamment déchirants pour arracher cette petite larme qu’il nous plait tant de verser sur la mort de Mimi. Enfin la Mimi de Vannina Santoni, mérite quand à elle la palme de l’interprétation que ce soit dans le moindre geste qui semble demander à cette frêle silhouette un effort surhumain comme dans la voix. Cette dernière est superbement conduite que ce soit dans les piani qui viennent vous cueillir comme les forte qu’elle rend particulièrement émouvants. La timide jeune fille du « Mi chiamano Mimi » prend de l’assurance et va se battre contre elle même et pour son amour dans le 3ème tableau et trouver des accents particulièrement prenant lors de son duo avec Marcello, pour enfin se résigner à quitter ce monde avec autant de discrétion qu’elle était arrivée dans un « Sono andati » magnifiquement donné ce soir. Elle disparait, laissant derrière elle les 5 compères effondrés et son petit bonnet rose qu’elle aimait tant. Très belle dernière image!!!

Ce spectacle sera donné jusqu’au 6 décembre, alors si vous le pouvez, courrez y pour vivre une très belle aventure riche en émotions!!!

Les photos du spectacle sont toutes de l’excellent © Mirco Magliocca

Platée hilarante mais touchante au Capitole (23/03/2022)

J-P Rameau a lui même intitulé cette « œuvre » de Ballet bouffon… Et c’est clairement dans cette direction que sont allés Corinne et Gilles Benizio ainsi qu’Hervé Niquet et l’ensemble du Concert Spirituel, soutenu dans ce projet par Kader Belarbi et le ballet du Capitole. Le ballet est quasi omniprésent sur sa scène et l’ensemble fonctionne à merveille. Toute la soirée, le public rit (et en ces temps troublés il en a grandement besoin!!!) et est même mis à contribution grâce notamment aux interventions pleines d’humour d’Hervé Niquet ou du couple Benizio. Dès le début H. Niquet prévient le public… Si tout le monde s’amuse durant le spectacle, comme pour toute bonne fable de La Fontaine, la morale va piquer le spectateur. Dans cet esprit, lorsque durant la scène finale où Platée se retrouve seule au milieu d’un chœur hilare qui en plus de rire la maltraite et face à ses pleurs interminables qui attendent un consolateur qui viendra finalement, le public se retrouve d’un coup plongé dans la cruauté de ce monde, qui pour certains ne peut que leur rappeler des souvenirs amers qui les obligent à s’identifier à cet instant à la nymphe désespérée et compatir avec ce personnage.

La mise en scène place l’action dans les faubourgs de Rio de Janeiro (on voit le célébrissime Christ Rédempteur sur son rocher en fond de scène). Cet vision permet notamment de réussir particulièrement l’arrivée de Mercure qui descend des cieux avec une « grandeur » particulièrement drôle ainsi que l’arrivée de Jupiter. Les danseurs du ballet du Capitole se retrouvent ainsi tour à tour en « Trans » ou en membres des forces de l’ordre. Ce parti pris permet également toutes les folies possibles que ce soit dans les costumes comme dans les libertés prises par rapport à la partition ou dans les récitatifs « parlés » et ce sans que cela ne devienne lourd ou trash comme cela peut se voir parfois (voire trop souvent!). Le ballet bouffon dans toute sa splendeur avec des clins d’œil permanents, comme des mini parodies qui se succèdent : Jupiter / Elvis tout de blanc vêtu pour son mariage avec Platée / Marilyn, les danses de La Folie et de ces 4 acolytes qui nous font nous rappeler que Beyoncé et la Fièvre du Samedi soir ne sont pas loin… La danse des heures d’A. Ponchielli ajoutée afin de faire attendre Platée fut un moment particulièrement drôle avec le trio sur pointe magnifique de grâce face à 3 trans beaucoup moins « élégants ». Tout est fait pour permettre au public de rentrer dans le spectacle et de rire quelque soit sa culture et de n’en sortir qu’à la fin des 2h sans entractes en se demandant comment le temps pouvait passer aussi vite!

Evidemment nous sommes aussi là pour entendre Rameau et ce fut aussi un grand moment musical avec cet orchestre du Concert Spirituel que je découvrais. Ils ont magnifié la musique de Rameau tout au long de la soirée. J’ai particulièrement aimé les vents (flutes, hautbois et bassons). Etant loin d’être un puriste et découvrant une grande partie de l’œuvre « intégrale », je ne connaissais bien que les tubes écrits pour le rôle de la Folie (« Aux langueurs d’Appolon » et « Amour, Amour, lance tes traits »), j’ai beaucoup aimé tout ce que j’ai entendu. Remplacer une partie des récitatifs chantés pour des dialogues, ne pas donner la partition intégrale, faire des ajouts, même anachroniques comme la danse des Heures, si cela peut me gêner dans certains cas (surtout lorsque ce sont des moments que j’aime…), j’avoue que ce soir, j’ai adhéré à cette vision de l’œuvre, comme l’ensemble du public présent dans le théâtre.

Il faut aussi dire que le plateau vocal réuni sur la scène du Capitole s’en donne à cœur joie et semble à la fois complice et heureux d’enfin donner ce spectacle après plus de 2 ans d’attente. Tous les interprètes possèdent des qualités indéniables et le point commun reste une diction quasi irréprochable rendant les surtitres inutiles. Toute l’équipe réunie m’a impressionné par leur talent pour la comédie et l’on sait que faire une bonne comédie est aussi dur (je dirai même plus dur!!!) que de faire une tragédie. Au niveau scénique, clairement le Momus de Jean-Christophe Lanièce crève « l’écran » et la jalouse Junon de Marie-Laure Garnier est hilarante dans ses dialogues (Quelle scène où « cachée » derrière sa plante en pot elle est induite en erreur par Mercure et Cithéron!!!), mais en impose dès qu’elle chante. Il en est de même pour l’équipe des basses-tailles qu’elle a en face : le Jupiter vocalement magnifique de Jean-Vincent Blot et l’excellent Cithéron de Marc Labonnette qui roule les R comme personne… enfin si comme Mercure! Justement, le Mercure de Pierre Derhet est lui aussi vocalement particulièrement bon avec un phrasé d’une élégance rare. La Clarine de Lila Duffy est devenue une nonne qui se sort admirablement de son air charmant. Marie Perbost brûle les planches avec sa Folie complètement déjantée mais vocalement d’une grande rigueur que ce soit dans les vocalises et dans la maitrise des ornementations (son rôle chantant les airs les plus connus de l’Opéras… Elle était quand même un peu attendu pour cela!). Sa puissance est également appréciable dans les ensembles où elle ne se laisse pas couvrir par tous ces hommes. Que dire de Mathias Vidal dans le rôle Titre de Platée, il cisèle un portrait de cette nymphe un peu prétentieuse et qui ne comprend rien à la farce qu’on lui joue avec une justesse sidérante qu’à la fin tout le monde pleure avec lui sur son pauvre sort. Vocalement, il maitrise lui aussi la tessiture particulièrement difficile de ce rôle de travesti avec une belle maitrise de la voix mixte dans les aiguës, mais également dans les dialogues parlés, et on sait qu’il est particulièrement difficile d’enchaîner les moments parlés des moments lyriques.

Une magnifique soirée durant laquelle, le public s’est amusé, à fait un long triomphe final à toute l’équipe et a même chanté le morceau probablement le plus connu de Rameau : « Frère Jacques » et en canon à 4 voix… et ma foi, dans le théâtre, cela sonnait vraiment bien!!! La dernière est demain, le 24/03, si vous pouvez… Allez y!!!

Michael Spyres à la conquête du Capitole (Récital « M. Crescendo » du 03/03/2022)

Merveilleux spectacle que les toulousains ont pu vivre ce soir pour les débuts au Théâtre du Capitole de la ville rose de Michael Spyres (débuts qui étaient prévus en juin 2020, mais la Covid-19 est passée par là)!!! Nous avons eu droit à un programme de mélodies de Mr Crescendo (alias le grand Rossini) qui justement comme l’a précisé en début de concert Mathieu Pordoy est allé crescendo. Le programme était composé de 4 grandes parties avec entre chacune de magnifiques mélodies de Rossini interprétées au piano par Mathieu Pordoy avec toute la tendresse et l’émotion requise. L’écrin qu’il a sut créer pour la voix de Michael Spyres fut exceptionnel sachant se faire tendre et émouvant dans les premières parties comme plus enlevé dans la dernière. La complicité entre ces deux artistes a permis d’emporter la totalité du public capitolin qui finira la soirée debout lors des derniers saluts.

Il est évident que je venais pour enfin découvrir en chair et en os le « Baryténor » de ce début du XXIème siècle que j’admire depuis quelques années maintenant grâce aux plateformes de partage de vidéos et à ses enregistrements. Le programme commence avec une première partie intégralement en français dans laquelle la prononciation de Michael Spyres est d’une limpidité rarement entendue sur scène. Chaque syllabe est claire, le texte du programme devenant ici totalement inutile, le spectateur que je suis a pu s’immerger totalement dans l’interprétation superlative dans laquelle M. Spyres nous a entrainé. La mélodie sur laquelle il m’a le plus ému fut « Adieu à la vie », élégie sur une seule note. Cette mélodie à elle seule a permis au public de se rendre compte des capacités expressives de cette voix exceptionnelle. Les variations de tons, le jeu dans les colorations, les intentions différentes selon le texte rendirent ce morceau PASSIONNANT alors que vocalement il n’avait qu’une seule même note à chanter tout au long de cette partition. Il a su maintenir par ses talents d’interprète l’attention du public à son maximum durant la totalité de ces mélodies qui pour une grande partie étaient inconnues de la majorité des spectateurs, personnellement, à part « la Danza »… Je n’en avais jamais entendu aucune.

Petit à petit, le crescendo promis en début de soirée est arrivé. Les mélodies qui s’enchainent deviennent de plus en plus légères et virevoltantes, comme le piano de Mathieu Pordoy. La voix de Michael Spyres, qui avait dans un premier temps montré des graves et un médium d’une richesse et d’une expressivité hypnotiques que ce soit dans les forte comme dans les pianissimo s’envole vers le haut de la tessiture avec une facilité confondante qui force le respect, même en sachant qu’il atteint sans problème le contre-fa, l’entendre en vrai c’est quand même quelque chose. Le public est définitivement conquis après une « Danza » effrénée. Le programme officiel se termine sur un « Addio ai Viennesi » superbe dont certaines sonorités ne sont pas sans rappeler quelques menus phrases d’ouvrages plus lyrique du maître de Pesaro.

Pour remercier le public toulousain pour son accueil chaleureux, digne des grands soirs, Michael Spyres nous a offert trois bis. Celui qui a le plus marqué le public lyricophile, moi y compris, et qui a déclenché une véritable ovation fut le deuxième bis (oui! nous avons quand même eu droit à un air d’Opéras, mais comme l’a précisé avec humour Mathieu Pordoy, à Toulouse et pour les début de M. Spyres, c’était un peu inévitable): l’air complet qui conclut le Barbier de Séville, le fameux « Cessa di più resistere » réputé à la fois pour sa virtuosité et ses aiguës flamboyants. Le programme « achevé », il ne reste plus que le plaisir de jouer et de chanter pour un public qui ne demandait que cela. Michael Spyres est clairement un des meilleurs ténors rossiniens de moment et nous l’a démontré ce soir. Ce fut une pure merveille à la fois musicale et interprétative… Un festival de notes enfilées comme des perles et offertes à un public totalement conquis qui lui a fait un triomphe amplement mérité (petite vidéo d’un concert avec orchestre cette fois et donné en 2019 pour vous montrer ce dont il est capable dans Rossini)!!!

Une magnifique soirée en présence de 2 immenses artistes qu’il me tarde de retrouver dans les années futures sur la scène du Capitole.

Avant cela, direction Platée de Rameau dans quelques semaines et surtout le concert d’un autre grand rossinien que M. Spyres connait bien (ils ont enregistré ensemble un splendide album : Amici e Rivali): Lawrence BROWNLEE qui sera accompagné d’un autre ténor Lévy SEKGAPANE (découvert dans Carmina Burana en juillet dernier) pour une soirée d’air et duo d’Opéras!

Les folies de Jessica Pratt (Streaming de l’instant lyrique, 05/02/2021)

Mon premier live lyrique via la chaine YouTube ne pouvait que concerner de l’Opéra et plus particulièrement du Bel Canto et quoi de plus symbolique que ces fameuses scènes où l’héroïne perd pied et sombre dans la folie!!! Ces grandes scènes représentent chacune un défi pour la soprano durant chaque représentation, mais les enchainer au cours d’un même concert, alors là, c’est vraiment de la folie!!! Et cela pour au moins trois raisons:

  • Généralement, la folie survient au milieu ou à la fin de l’Opéras et donc à un moment ou le personnage est particulièrement bien caractérisé. Les enchainer en concert de but en blanc est assez dangereux car il est facile de tomber du côté de la performance vocale pour la performance et finalement perdre l’essence même de la folie de chaque personnage.
  • Au niveau technique et endurance, chaque scène constitue un moment fort de l’Opéras durant lequel la soprano enchaine les vocalises, les suraiguës, les changements d’octaves qui sont tous assez éprouvants pour la voix, donc enchainer 5 scènes complètes relève d’une performance et d’une endurance assez peu commune!
  • enfin, 3ème raison qui a aussi son importance, ce concert était donné accompagné seulement d’un piano, certes celui d’Antoine Palloc dont la réputation n’est plus à faire est magnifique, mais le piano ne peut soutenir ou envelopper une voix comme le ferait un orchestre et dans ce cas, la moindre erreur, la moindre faiblesse vocale s’entend et ne pardonne pas.
J. Pratt durant la scène de la folie d’Elvira d’I Puritani

Jessica PRATT a ce soir balayé toutes ces difficultés avec une aisance déconcertante. La voix est superbe sur l’ensemble de la tessiture, les aiguës comme les suraiguës sont flamboyants dans cette belle prise de son. Les vocalises sont également exécutées avec une facilité déconcertante du début à la fin du concert. Chose intéressante également, elle se permet de jouer avec le micro et le piano en recherchant des variations ou des couleurs qui passeraient inaperçues dans un flot orchestral, c’était clairement une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de voir cette représentation et je n’ai pas été déçu. Elle s’est également permis des piani magnifiques et des reprises ornées dans les cabalettes particulièrement intéressantes.

Chaque scène a été vraiment caractérisée avec beaucoup de finesse, les expressions du visage et surtout le regard que l’on peut voir sur les quelques impressions d’écran que j’ai faites durant le streaming sont assez parlantes. Les gestes sont économisés, mais toujours justes, en particulier lors de la scène de la folie de Lucia di Lammermoor. Jessica Pratt fait vraiment vivre ses 6 héroïnes pour quelques minutes chacune: le désespoir mélancolique d’Elvira, la colère de Linda, le remord d’Emilia, la tristesse puis la joie d’Amina, la violence de Lucia sont vraiment rendu avec grand art!!! Pour avoir déjà vu J. Pratt en concert, je ne peux que regretter de ne pas avoir pu être dans la salle car l’impact émotionnel aurait été encore plus fort.

Et comble du plaisir, J. Pratt a terminé ce concert par son air signature: « Glitter and be Gay » extrait de Candide de Bernstein, finalement bien à sa place dans ce concert de scènes de la folie, car il faut bien le dire, Cunégonde est quand même un peu fofolle avec ses sautes d’humeurs et ces fausses larmes. Pour ce final qu’elle maitrise sur le bout des doigts, elle se lâche complètement, nous fait un « France » à la Chenoweth et des balancement de hanches qui rappellent certaines vidéos de June Anderson dans cet air qui vous donne la pèche pour la semaine.

Pour un concert aussi réussi que celui là, il serait injuste de ne pas parler d’Antoine PALLOC, que j’ai également pu entendre à plusieurs reprises alors qu’il accompagnait Annick MASSIS (Concert Verdi en 2013 et La voix humaine plus récemment). Il arrive, par une superbe complicité avec la soprano et une grande sensibilité à créer une ambiance particulièrement sensible et émouvante que ce soit dans l’accompagnement des airs ou dans les deux solo qu’il a interprété avec beaucoup de cœur.

Un expérience inédite pour cause de pandémie qui ne peut bien sûr faire oublier comme le Théâtre du Capitole et les salles de concert me manquent, mais elle m’a permis d’assister à un concert que je n’aurai pu voir alors… un très grand merci à l’Instant Lyrique, à Antoine PALLOC et bien sûr à Jessica PRATT d’avoir permis que ce concert soit diffusé sur YouTube en direct.

Le concert est encore disponible jusqu’au 21 février, donc courrez sur le site: https://www.weezevent.com/jessica-pratt et pour 2.99 euros, vous pourrez assister à ce petit bijou bel cantiste.

Tiefland, Des Basses Terres qui ont ce soir atteint des sommets ! (Théâtre du capitole le 06/10/2017)

De retour de ma place favorite, voici le premier post pour mon 1er spectacle de l’année 2017/2018 sur le thème de la découverte, à la fois du compositeur d’Albert et de l’œuvre Tiefland. Ce fut un grand moment, est-ce la présence des micros et caméras dans la salle, mais ce soir, l’ensemble du plateau et de la fosse ont défendu cette partition méconnue du grand public avec une passion communicative. Ce fut un très beau triomphe devant une salle somme toute plutôt bien remplie, même si bien sur ce n’est pas le remplissage d’un Barbier ou d’une Carmen. N’étant pas familier de ce répertoire, j’avoue que je ne connaissais rien à part l’histoire, et la nouvelle formule du mini programme gratuit dans lequel figure le résumé, et quelques analyses des points clefs de l’œuvre m’a bien servi! Mais dès que les lumières se sont éteintes, je me suis laissé porter par ce drame et l’orchestre, et ce, dès les premières mesures de la clarinette en coulisse. L’orchestre sous la direction de Claus Peter Flor est une nouvelle fois superlatif, des cordes enveloppantes à la clarinette ensorcelante, l’ensemble des pupitres ne mérite que des éloges surtout que la partition semble être loin d’être évidente. Le Maestro dirigea avec précision, indiquant à chaque instant un changement de rythme, une nuance, un piano, c’était vraiment passionnant de le voir diriger la phalange toulousaine. Le chœur, certes moins présent est comme d’habitude excellent… Même si on n’aime pas, comme moi, les mises en scène avec jean / T-shirt, j’avoue que celle-ci était très réussie, elle permettait une très belle lisibilité de l’œuvre, le traitement de chaque personnage soigné et les rapports de forces vraiment bien soulignés. J’ai beaucoup aimé le changement de décor entre le prologue dans les montagnes, la descente de Pedro sous entendue par la montée du décor, puis cette sorte d’usine à la place du moulin. Cela a plutôt bien fonctionné.
Quand au plateau, on peut tout d’abord dire des interprètes qu’ils ont tous eu une diction parfaitement ciselée d’un bout à l’autre de l’œuvre (cela faisait longtemps que je n’avais pas compris de l’allemand aussi bien lors d’un opéras). Toute l’équipe défend cette œuvre méconnue avec passion et nous a emporté avec elle ce soir !!! Des comprimari irréprochables, je retiendrai le Nando sympathique du prologue de Paul Kaufmann et son pendant féminin Nuri et le trio particulièrement fielleux et sournois de Pepa, Antonia et Rosalia. Le Tommaso de Scott Wilde fut beaucoup apprécié, comme le Sebastiano violent et monolithique de Markus Brück dont le rôle ingrat du méchant ne l’a pas empêché de tirer son épingle du jeu. Mais clairement, ce soir, la palme revient au couple Marta / Pedro de Meagan Miller et de Nikolai Shukoff, tous les deux survoltés, entousiasmants, aux nuances du récit du rêve du premier répondant la haine de la seconde. Le tour de force de Meagan Miller est de rendre crédible ce changement brusque de sentiment (en un entracte qui est égal à quelques heures dans l’histoire…) qui passe de la haine et du rejet le plus total à l’amour le plus intense ! Je connaissais Nikolai Shukoff (cf: https://carayonk.wordpress.com/2014/03/22/cavalleria-rusticana-paillasse-theatre-du-capitole-21032014-un-doublet-quasi-gagnant/), dont j’apprécie toujours autant le timbre brillant et rond, sa capacité à nuancer et sa ligne de chant toujours aussi impeccable, et son jeu d’acteur toujours passionnant et juste que se soit dans le prologue et le premier acte lorsqu’il est encore « innocent » ou dans les violences du 2ème acte! J’ai découvert Meagan Miller, et ce fut une très belle découverte d’une voix puissante, mais également capable de très belles nuances et d’une interprète vraiment habitée par son personnage (que se soit lors du récit de son enfance à Tomasso, vraiment prenant ou lors de ses duos avec Pedro).

Une ouverture de saison qui j’espère sera de très bon augure pour la suite!!! Dernière Dimanche, allez-y si vous pouvez, ce devrait être un grand moment!!!

Le Prophète de Meyerbeer… une fin de saison en apothéose au Capitole (30/06/2017)

C’était la rareté de la saison toulousaine que j’attendais avec une certaine impatience: Osborn et Meyerbeer… Mais comme je n’avais jamais entendu un seul enregistrement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre (le risque n’était pas non plus très élevé sachant que j’aime beaucoup Les Huguenots et Margherita d’Anjou). Ce fut un choc complet, non, je n’ai pas aimé, j’ai adoré!!! Pourquoi cette œuvre est elle si rare!!! Près de 3h30 de musique (sans les 2 entractes) qui passent à une vitesse folle, on est totalement pris par l’orchestration (comme un trait d’union entre Wagner pour la pâte orchestrale et le bel canto italien de Donizetti et Verdi pour l’écriture mélodique) et ces personnages. Nous avons droit à une mise en scène qui permet un très bonne lisibilité de l’œuvre avec de beaux jeux de lumières et d’effets spectaculaires notamment lors de l’embrasement final avec explosion! Une belle réussite de ce point de vue là. Il n’était pas évident de gérer les mouvement très nombreux du chœur, ni d’arriver à intégrer le traditionnel ballet de l’acte III.

Une nouvelle fois, l’orchestre du Capitole sous la baguette de Claus Peter Flor est exceptionnel, module sa puissance afin de ne jamais couvrir les chanteurs. Mais il garde toute sa vivacité et sa dynamique de la 1ère à la dernière note. L’orchestre étant traité ici, à la manière de Wagner, comme un protagoniste à part entière du drame. Les chœurs sont eux aussi irréprochables, un très grand bravo pour leur cohésion, mais aussi pour tous ceux qui ont interprétés des personnages secondaires (et il y en a beaucoup!!!) sans défaillir. L’intervention de la maitrise du Capitole fut également un très beau moment lors de la scène du couronnement. Avec un ensemble d’une telle qualité aussi constante au fil des spectacles, il devient possible de monter des œuvres aussi exigeantes que ce Prophète, et il serait dommage de s’en priver!!! Mais cela ne suffit pas pour réussir un tel spectacle, encore faut-il réunir une équipe de chanteurs capables à la fois de rendre de manière intelligible le texte, d’avoir assez de souplesse pour exécuter les vocalises pas toujours évidentes et de puissance pour passer au dessus de la masse orchestrale et des chœurs. Si l’Oberthal de Leonardo Estévez ne m’a convaincu qu’au moment du trio bouffe de l’Acte III, le trio des trois anabaptistes était proche de la perfection: trois voix bien différenciées: la basse Dimitry Ivashchenko (très bel air « Aussi nombreux que les étoiles »), le ténor Mikeldi Atxalandabaso (qui montre une  quinte aiguë percutante à plusieurs reprises) et du baryton Thomas Dear (déjà apprécié dans Béatrice et Bénédict lors de l’ouverture de la saison). Si la Berthe de Sofia Fomina est celle que l’on comprend le moins bien dans cette distribution, elle campe son personnage avec une conviction qui ne peut que nous emporter avec une voix souple, au timbre plutôt charnu et coloré, étant capable d’une puissance impressionnante. Son air d’entrée est une merveille, ses duos avec Fidès sont très émouvants, elle a remporté ce soir un beau triomphe. La Fidès de Kate Aldrich (La Léonore de la Favorite de Ludovic Tézier ici même) atteint des sommets que se soit au niveau de la qualité interprétative qu’au niveau vocal. Ce rôle est vraiment inchantable, sollicitant les graves et les aiguës, des vocalises et de la puissance… toutes ses difficultés sont balayées avec panache et facilité apparente. Fidès n’est jamais vulgaire, mais reste digne dans sa souffrance, sa colère, mais également sa générosité envers ce fils si « ingrat ». John Osborn nous offre ce soir un superbe Jean tout en nuance (le récit du songe). Il devient hallucinant et halluciné. Il assume crânement la tessiture du rôle avec une voix somme toute magnifique. Il récolte très justement un vrai triomphe lors des saluts, à égalité à l’applaudimètre avec la Fidès impressionnante de Kate Aldrich.

Il ne reste qu’une représentation le 02 juin… si vous avez peur de vous mouiller dans Toulouse, allez au Théâtre du Capitole pour découvrir ce chef d’œuvre servi par une équipe proche de la perfection!!!

Lucia di Lammermoor… une vraie tuerie (Théâtre du Capitole, le 23/05/2017)!!!

De retour du Théâtre du Capitole, voici un petit compte-rendu à chaud de cette soirée vraiment fabuleuse… Enfin (je n’y croyais plus après un Ernani sans Elvira et Une Ombre de Venceslao qui restera dans l’ombre de ma mémoire…) une soirée que j’ai adorée !!!

La production, je la connaissais depuis sa création en 1998 à laquelle j’avais assisté avec Annick Massis (un triple choc… 1er opéra en direct, 1ère Lucia et 1ère Massis…). J’ai toujours autant apprécié la beauté des costumes comme des décors qui n’ont pas pris une ride et qui restent toujours aussi luxueux. La lisibilité de la mise en scène, simple, mais efficace, qui permet au drame de se mettre en place et de se focaliser sur ce qui est important : l’interprétation, le chant et la musique… Ceci étant dit, il y a quand même du y avoir des ajustements par N. Joël, car tout n’était pas comme dans mon souvenir, notamment dans la scène de la folie… Merci donc Mr Joël (cela fait plaisir d’ailleurs de l’avoir vu venir saluer avec toute l’équipe).

Disons ce qui est, l’orchestre dirigé par Maurizio Benini fut vraiment au dessus de toute éloge !!! Un écrin parfait dans lequel venait se placer les voix, avec par moment un solo superbe : la harpe pour « Regnava nel silenzio », le violoncelle superbe pour « Tu che a Dio spiegasti l’ali », la flute durant la scène de la folie, les cors,… Tous les pupitres ont été plus que parfaits et ont largement contribué à la réussite de cette soirée. L’orchestre du Capitole reste quand même un must en France, il faut le dire, et c’est vraiment une chance !!! J’ai beaucoup aimé certains tempi assez lents adoptés dans certains passages (scène de la folie notamment), qui permettaient au drame de se mettre en place et au public d’être suspendu aux lèvres des chanteurs. Un des points d’orgues de la soirée fut le fameux sextuor qu’il a vraiment dirigé magnifiquement avec une équilibre parfait entre la fosse et l’ensemble des chanteurs. Les chœurs ont été encore une fois à la hauteur que ce soit dans la scène du mariage comme avant la scène de la folie. Ici encore, Toulouse possède une phalange vraiment exceptionnelle, toujours aussi investie et toujours aussi intéressante.

Maintenant les voix ! Le Normanno de Luca Lombardo était bien. J’ai beaucoup aimé l’Alisa de Marion Lebègue (belle voix, sonore dans le sextuor et tendre avec Lucia). L’Arturo de Florin Guzga est intéressant. Puis vient le quatuor de tête… J’ai vraiment adoré le Raimondo de Maxim Kuzmin-Karavaev, très belle voix de basse, sonore et ample, impressionnant que ce soit dans « Ah! cedi, cedi » avec Lucia ou dans « Ah! cessate quel contento » avec le chœur. Vitaliy Bilyy, déjà entendu plusieurs fois dont Ernani il y a peu à Toulouse et Un ballo in maschera (https://carayonk.wordpress.com/2014/10/18/un-ballo-in-maschera-theatre-du-capitole-toulouse-09102014/), m’a un peu déçu au niveau des vocalises et des variations dans les reprises de ses airs dont « La pietade in suo favore », mais la violence et la fourberie du personnage furent parfaitement rendues. Son duo « Qui del padre ancor respira » avec Edgardo fut vraiment dramatiquement intéressant. Reste le couple d’amant…

L’Edgardo de Sergey Romanovsky (que j’avais adoré lors de son « Éclatez fières trompettes » dans Castor et Pollux de Rameau https://carayonk.wordpress.com/2015/04/03/un-castor-et-pollux-digne-de-lolympe-representation-du-02-avril-2015/), dont c’est la prise de rôle, a tout pour lui, la jeunesse et un timbre solaire magnifique, une très belle homogénéité des registres quelque soit la puissance envoyée. Il est capable de nuances subtiles notamment dans la scène finale « Fra poco a me ricovero » où il m’a vraiment ému. Même dans les forte, sa voix reste très belle sans vibrato excessif. Techniquement, il vocalise également de manière sure et son duo avec Lucia « Sulla tomba che rinserra » est vraiment à tomber. Il a eu l’ovation qu’il méritait amplement.

Enfin, la Lucia de Nadine Koutcher, récente comtesse des noces de Mozart à Toulouse (qui m’avait fait forte impression déjà: https://carayonk.wordpress.com/2016/04/20/des-noces-en-or-dans-un-ecrin-dargent-noces-de-figaro-mozart-theatre-du-capitole-19042016/), prise de rôle également pour elle, a confirmé ce soir son statut de soprano colorature à suivre (belle technique avec de beaux trilles, facilité dans les aiguës bien tenus comme dans les vocalises, seule la 1ère descente chromatique ne m’a pas semblé parfaitement huilée, mais bon…). Donc si elle ne m’a pas vraiment impressionné sur « Regnava nel silenzio » (peut-être le stress) avec un aiguë conclusif un peu dur, elle a été superlative par la suite que se soit dans ces deux duetti avec Enrico et Raimondo et bien sur dans la scène de la folie. Comme pour son amant, j’ai beaucoup aimé son timbre, mais également son interprétation de Lucia. C’était très intéressant de la voir se séparer par le regard du monde qui l’entoure entre la scène du mariage et sa mort. Elle aussi m’a ému et ce n’est pas chose facile surtout dans ce rôle (satané passage entre la cavatine et la cabalette de la scène de la folie…)!!! Elle a remporté un vrai triomphe totalement justifié pendant et après sa scène de la folie ainsi qu’aux saluts.

Vraiment un spectacle à voir, même si vous ne connaissez pas l’opéra, c’est beau à voir et à écouter, du vrai bel canto, et j’adore ça !!!