Le Prophète de Meyerbeer… une fin de saison en apothéose au Capitole (30/06/2017)

C’était la rareté de la saison toulousaine que j’attendais avec une certaine impatience: Osborn et Meyerbeer… Mais comme je n’avais jamais entendu un seul enregistrement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre (le risque n’était pas non plus très élevé sachant que j’aime beaucoup Les Huguenots et Margherita d’Anjou). Ce fut un choc complet, non, je n’ai pas aimé, j’ai adoré!!! Pourquoi cette œuvre est elle si rare!!! Près de 3h30 de musique (sans les 2 entractes) qui passent à une vitesse folle, on est totalement pris par l’orchestration (comme un trait d’union entre Wagner pour la pâte orchestrale et le bel canto italien de Donizetti et Verdi pour l’écriture mélodique) et ces personnages. Nous avons droit à une mise en scène qui permet un très bonne lisibilité de l’œuvre avec de beaux jeux de lumières et d’effets spectaculaires notamment lors de l’embrasement final avec explosion! Une belle réussite de ce point de vue là. Il n’était pas évident de gérer les mouvement très nombreux du chœur, ni d’arriver à intégrer le traditionnel ballet de l’acte III.

Une nouvelle fois, l’orchestre du Capitole sous la baguette de Claus Peter Flor est exceptionnel, module sa puissance afin de ne jamais couvrir les chanteurs. Mais il garde toute sa vivacité et sa dynamique de la 1ère à la dernière note. L’orchestre étant traité ici, à la manière de Wagner, comme un protagoniste à part entière du drame. Les chœurs sont eux aussi irréprochables, un très grand bravo pour leur cohésion, mais aussi pour tous ceux qui ont interprétés des personnages secondaires (et il y en a beaucoup!!!) sans défaillir. L’intervention de la maitrise du Capitole fut également un très beau moment lors de la scène du couronnement. Avec un ensemble d’une telle qualité aussi constante au fil des spectacles, il devient possible de monter des œuvres aussi exigeantes que ce Prophète, et il serait dommage de s’en priver!!! Mais cela ne suffit pas pour réussir un tel spectacle, encore faut-il réunir une équipe de chanteurs capables à la fois de rendre de manière intelligible le texte, d’avoir assez de souplesse pour exécuter les vocalises pas toujours évidentes et de puissance pour passer au dessus de la masse orchestrale et des chœurs. Si l’Oberthal de Leonardo Estévez ne m’a convaincu qu’au moment du trio bouffe de l’Acte III, le trio des trois anabaptistes était proche de la perfection: trois voix bien différenciées: la basse Dimitry Ivashchenko (très bel air « Aussi nombreux que les étoiles »), le ténor Mikeldi Atxalandabaso (qui montre une  quinte aiguë percutante à plusieurs reprises) et du baryton Thomas Dear (déjà apprécié dans Béatrice et Bénédict lors de l’ouverture de la saison). Si la Berthe de Sofia Fomina est celle que l’on comprend le moins bien dans cette distribution, elle campe son personnage avec une conviction qui ne peut que nous emporter avec une voix souple, au timbre plutôt charnu et coloré, étant capable d’une puissance impressionnante. Son air d’entrée est une merveille, ses duos avec Fidès sont très émouvants, elle a remporté ce soir un beau triomphe. La Fidès de Kate Aldrich (La Léonore de la Favorite de Ludovic Tézier ici même) atteint des sommets que se soit au niveau de la qualité interprétative qu’au niveau vocal. Ce rôle est vraiment inchantable, sollicitant les graves et les aiguës, des vocalises et de la puissance… toutes ses difficultés sont balayées avec panache et facilité apparente. Fidès n’est jamais vulgaire, mais reste digne dans sa souffrance, sa colère, mais également sa générosité envers ce fils si « ingrat ». John Osborn nous offre ce soir un superbe Jean tout en nuance (le récit du songe). Il devient hallucinant et halluciné. Il assume crânement la tessiture du rôle avec une voix somme toute magnifique. Il récolte très justement un vrai triomphe lors des saluts, à égalité à l’applaudimètre avec la Fidès impressionnante de Kate Aldrich.

Il ne reste qu’une représentation le 02 juin… si vous avez peur de vous mouiller dans Toulouse, allez au Théâtre du Capitole pour découvrir ce chef d’œuvre servi par une équipe proche de la perfection!!!